samedi 9 octobre 2010

Cinq semaines après la rentrée poker

Il est temps de raconter quelques coups de poker sur les cinq dernières semaines. Côté tournoi, j'ai fait deux Double Chance (du jeudi soir à l'ACF (200€, 5000 jetons, 30' par niveau), et deux deepstack du lundi soir au Gaillon (400€, 15000 jetons, 20' par niveau). Un rapide et un turbo, en somme. Chou blanc côté ITM, je saute sur des situations favorables de double-up, mais ça ne passe pas.

Je reste étonné par la proportion importante de joueurs faibles, qui poursuivent une stratégie répétée de gamble défavorable (35%-40%), avec ou sans la cote en jetons, avec ou sans la profondeur de tapis pour survivre dans de bonnes conditions en cas de défaite. J'étudie certains profils de joueurs, notamment ceux qui construisent des coups à partir de rien pour monter des jetons sans atteindre le showdown. Exemple : blindes 25-50, JeMonteDesJetons relance à 250, a un payeur derrière lui, le flop vient, JeMonteDesJetons cbet à 875 alors qu'il y a 575 dans le pot, et 15k de profondeur chez les deux joueurs. Son adversaire passe, ces jetons me semblent facilement gagnés, et l'image du déglingo agressif qui fait monter la sauce pour permettre une mise à tapis avant le showdown, alors qu'on joue avec 300bb, semble impressionner les regs (bons ou mauvais) de ce genre de tournois. Après, avec un tapis qui a progressé en trois quarts d'heure (entre +33% et +100%), JeMonteDesJetons a rapidement un avantage important contre un tapis qui a stagné (30k vs. 15k de départ) ou qui a fondu (20k vs. 11k après la fonte).

Ma stratégie en début de tournoi se fonde essentiellement sur les mains de contre et les implicites postflop face à un adversaire sérieux, mais qui peut tomber amoureux à tort de sa main. Je devrais mixer cette stratégie avec une stratégie de relance agressive (j'ouvre le pot, un payeur, je cbet, et je vois après); et je devrais aussi mixer avec une stratégie fondée purement sur les jetons et la peur d'un adversaire smallball pour les coups à tapis ou committant en jeu deep. Pour l'instant, la valeur des cartes et les erreurs adverses me permettent d'être paresseux, mais j'ai toujours à l'esprit en début de tournoi que j'ai quelques tours de magie dans mon arsenal.

Gaillon, 100-200/25, j'ai 15k. Sérieux ouvre à 600 devant moi (il a 20k), je paie avec K3dd - j'ai une image SérieusePassive - et Loose défend de SB (il a 23k). Flop 865ddd. Loose bet 2500 (2250), Sérieux call 2500, j'ai un shove facile, instareshove chez Loose (ou bien il savait combien j'avais, ou bien cela ne rentrait pas en ligne de compte dans son analyse), Sérieux réfléchit avant de passer une paire de Sept où le 7d lui offre un tirage quinte flush. Loose abat un tirage Carreau Ad2x, pour une cote de 1,8:1 du pot, mais il est à 2,45:1 contre mes cartes. Je saute.

Gaillon, 300-600/50, j'ai 5900 en BB avec AQo. UTG (13k) relance à 1500, sept joueurs passent, j'ai un easy shove for value, il instacall avec A5hh. Je double.

Gaillon, 400-800/75, quelques coups après le coup précédent. J'ai 55 et 12100 jetons, avec une position trop faible pour openshove (si j'avais été au hijack ou plus loin, j'aurais openshove). Au lieu du fold (qui est la bonne façon de jouer la main dans ce cas précis), j'opte pour une relance à 2400, de façon à compenser mon équité théorique en y ajoutant une certaine proportion de resteals adverses que, bien évidemment, je vais payer. Un passe, un payeur, un passe, un reshove au bouton pour 12k, c'est parfait, je paie. Ici le payeur intercalé voit que nos deux tapis sont à peu près équivalents, et se trouve une belle cote pour payer malgré une main faiblarde (JTcc) et peu de tapis (6k derrière), et se trouve dans la seule configuration où ses deux cartes jouent : JTcc>5d5h>AcKs. Je saute.

En cash game, je n'arrive pas à toucher le bad beat jackpot (full aux As battu, toutes les cartes des joueurs doivent rentrer), même sur des tables passives préflop, comme la 2-2 365 jours par an, ou une 2-4 bien fatiguée certains soirs. A noter que jouer sur l'Omaha 2-4 pour jouer le bad beat jackpot est une erreur d'appréciation : à 100 de cave, la plupart des coups sont à tapis préflop, et pour toucher carré battu en Omaha4 ou carré de 10 battu en Omaha5, il faut jouer un paquet de mains faibles qui méritent d'être passées ou limpées en position, autant dire qu'on jette l'argent par la fenêtre. Alors, je me contente de grinder tranquille en Texas Hold'em. Je n'ai pas rejoué sur l'Omaha 5-10 cette semaine, j'ai un peu de retard dans mes notes de frais et beaucoup de voyages, et comme j'ai avancé ces frais sur ma bankroll, pas question de broker la carte bleue pour une question de trésorerie.

La semaine prochaine, pas de Gaillon lundi, mais probablement le DoubleChance jeudi. Et le bad beat jackpot va bien finir par tomber à ma table ;-) [Edit 10 octobre : était-ce prémonitoire? J'ai touché mon premier jackpot en main perdante en cinq ans de jeu à l'ACF. Je paie l'option avec AThh UTG en table complète, tous passent, BB complète, option relance à 30, je paie, BB passe. Flop AcAdKc, il mise 30 que je paie, turn AcAdKcTc, il mise 100 que je paie, river AcAdKcTcJs, il mise 206 et tapis que je paie, évidemment. Il ouvre AsJd pour la main gagnante (~4250 en bonus), la main perdante rapporte ~8500, les sept autres joueurs gagnent 610. Nice hand.]

vendredi 1 octobre 2010

La stratégie du choc

Contre toute attente, ce titre ne fait pas référence au poker. C'est la traduction française de l'essai intitulé The Shock Doctrine de Naomi Klein. Le sous-titre est à peine plus évocateur sur le contenu du livre: La montée d'un capitalisme du désastre (The rise of disaster capitalism).

J'avais lu il y a quelques années l'excellent No logo du même auteur, qui traite des stratégies du marketing et de la publicité des sociétés multinationales. Que l'on soit d'accord ou pas avec l'analyse et les conclusions de l'auteur n'entre pas en ligne de compte dans l'évaluation de l'ouvrage : l'organisation méticuleuse de l'enquête, les sources nombreuses et citées en référence de façon exhaustive font de l'ouvrage un modèle de journalisme.

Le nom de l'auteur a suffi à ce que j'envisage l'acquisition de cet essai. Le quatrième de couverture était concis et efficace, associant Pinochet, Tiananmen, la chute du l'Union soviétique, le 11 septembre, la guerre en Irak, un tsunami et des cyclones : enfin un livre où l'histoire contemporaine ne s'arrête pas en pleine guerre froide, avant (bien avant?) ma naissance.

Les lecteurs à l'âme sensible, ou à l'estomac fragile, prendront soin de ne pas lire le premier chapitre consacré à la torture, qui n'est pas indispensable à la compréhension du reste du livre - même si l'analyse de l'auteur reste pertinente. Dans les chapitres suivants, l'histoire de pays parmi lesquels le Chili, l'Indonésie, la Bolivie, le Brésil, l'Argentine, l'Angleterre, la Chine, l'Afrique du Sud, la Pologne, la Russie, les Etats-Unis ou l'Irak est passionnante, parce que la mise en perspective d'événements que l'on a soi-même vécus dans un monde surmédiatisé vous offre de nombreuses possibilités d'analyse a posteriori de votre propre histoire. Comprendre le passé, et il s'agit ici d'un passé proche qui n'est pas dans les livres d'histoire, pour analyser le présent et anticiper l'avenir mouvant de notre histoire.

La stratégie du choc, La montée d'un capitalisme du désastre, par Naomi Klein, est publié en français (excellente traduction) chez Actes Sud, collection Babel.