vendredi 12 novembre 2010

Une goutte d'eau dans l'océan du poker : l'Omaha 5

Les semaines défilent, l'automne s'incruste avec son lot de pluies froides et de feuilles jonchant le sol. Alors, métro boulot poker dodo. Ma variante de prédilection devient l'Omaha 5. La profondeur des tapis à la table est un facteur important, non pas de la jouabilité, mais de l'intérêt pécuniaire d'une table. Ainsi, une table à 2-4 où les joueurs se cavent à 100 (25bb) amènera rapidement des situations de sur-relance préflop où les joueurs auront misé la moitié de leur tapis préflop, et auront une cote de 5:1 ou de 6:1 pour miser l'autre moitié quel que soit le flop. Faute de plusieurs tapis profonds, la "100 Omaha" n'a que peu d'intérêt. En 5-10, où la cave minimum est cette fois de 500 (50bb), il est rare que plus d'un ou deux joueurs soit cavé au minimum. Il y a cette fois du jeu postflop, multi-joueurs (entre quatre et six par coup le plus souvent), et l'on peut souvent voir la turn pour pas trop cher avant d'avoir à investir la majeure partie de son tapis.

Cela ne signifie pas que les coups ne soient pas chers, bien au contraire : il y a souvent un animateur des relances préflop à la table - profil : un attaquant naturel (il aime miser), cagoulé ou pas, il joue au poker pour disputer un pot de 250 plutôt que de 50. Il faut donc entre 40 et 60 pour voir un flop, et entre 80 et 120 lorsqu'il y a une option à la table (ce qui devient cette fois un signe d'intention de gamble ou de cagoule - les deux sont souvent liés, d'ailleurs). Pas besoin de faire une option pour réveiller une table d'Omaha 5 : elle ne dort jamais, pas même d'un oeil.

Quant à l'idée d'effectuer un limp-3betpot pour valoriser une main préflop (Deux As deux couleurs?), vous pouvez l'oublier : vous disputerez à quatre un pot à 220 préflop (~900 au milieu) au lieu de disputer à six un pot à 40 préflop (~240 au milieu). Selon la taille du tapis qui reste à miser (tant chez vous que chez vos adversaires), vous pouvez être certain que quelqu'un paiera jusqu'au bout et que, au final, vos cartes doivent connecter un minimum avec le tableau. Je me rappelle avoir 3betpot deux As deux couleurs avec un petit tapis, misé facilement le reste sur un flop rainbow où j'avais trouvé un troisième As pour top set : mes deux adversaires n'ont eu aucun mal à payer le reste, avec une cote acceptable pour voir deux cartes et toucher une quinte backdoor (wheel, broadway ou même parfois en plein cintre) ou une couleur backdoor. Il y a donc une dynamique de table, qui permet aux payeurs de s'offrir mutuellement une cote favorable même dans un coup sur-relancé préflop.

Run it once or twice? Le fait de poser cette question, ou d'avoir à répondre à cette question, donne certaines indications sur les style des joueurs. Pour ma part, je ne la pose jamais (en v.f : Tu veux un ou deux?), et je réponds Toujours un lorsqu'on me la pose. On y va, à fond. Techniquement, la question n'est pas dénuée d'intérêt. J'aimerais éluder l'argument principal que l'on lit souvent à ce sujet : réduire la variance. Contrairement aux idées reçues, la variance n'est pas une ennemie. C'est une alliée du bon joueur de poker. Sans la variance, les mauvais joueurs se rendraient compte qu'ils perdent tout le temps, et ou bien ils chercheraient à s'améliorer, ou bien ils cesseraient de jouer (et de dilapider leur argent au poker). L'argument principal est lié à la dynamique de la table. Si vous perdez le coup, est-ce que vous recavez ou est-ce que vous terminez votre session? Si votre adversaire perd le coup, va-t-il recaver (miam recave deep du fish en tilt spewy de la table) ou va-t-il la quitter (un seul fish vous quitte et la table est dépeuplée...)? On est deux joueurs dans le coup : toujours un, je suis là pour te décaver et toi aussi, alors pas de courbettes.

S'il y a un troisième joueur dans le coup et que le pot est protégé parce que ce joueur est à tapis : c'est un cas où je peux accepter de tirer deux fois. Lorsque le joueur à tapis n'est pas censé avoir une main, on se donnera le plus souvent deux chances de le battre (si scoop), ou de se partager ses restes (split pot charognard). Contraindre un petit tapis à recaver ou à quitter la table (et laisser entrer un tapis plus gros?) rend souvent la partie plus belle - traduire : plus lucrative. Lorsque le joueur à tapis a une main, par exemple il bet top set au flop, vous payez avec des montantes et nfd, un autre adversaire paie et touche à la turn sa quinte en bas qu'il mise : vous pouvez envisager de payer avec vos outs vivantes (quinte montante? bfd?) et de tirer deux fois la river pour récolter une partie de l'argent du pot principal.

Dernier cas : lorsque vous pot'n'pottez deep avec les nuts partagés (votre adversaire a annoncé la quinte max, vous l'avez aussi mais vous avez un ou plusieurs redraw intéressants), votre intérêt est de faire croître géométriquement le pot et de tirer deux fois, pour augmenter la fréquence des trois quarts-un quart en votre faveur - car les cas de freeroll pur sont finalement assez rares en Omaha 5.

L'Omaha 5 en 5-10 concerne une cinquantaine de joueurs à l'ACF, il peut y avoir trois tables ouvertes en début de soirée - en général la tertiaire complète rapidement la secondaire, et même la principale n'est pas 24/7. Certains joueurs sont très bons, d'autres sont moins bons (et plus riches pour compenser) : il y a le même vivier dans ce minuscule aquarium que dans d'autres variantes de poker. J'aime ce jeu, tant par ses aspects techniques que par l'avantage pécunier que j'espère en retirer dans les semaines ou les mois à venir. A suivre.